Quels avantages les PME/TPE peuvent-elles tirer de la nouvelle rédaction des CCAG ?
Les « CCAG » (Cahiers des Clauses Administratives Générales) régissent depuis 1976 les rapports contractuels entre les parties dans la plupart des marchés publics. Comme en 2009, année de leur précédente mise à jour, la dernière évolution en 2020 a fait l’objet de discussions contradictoires, pour ne pas dire de « négociations », entre les pouvoirs publics, les acheteurs publics et les représentants des fournisseurs, chacun faisant valoir son point de vue et défendant ses intérêts.
Quels sont donc les changements qui, au final, bénéficient aux entreprises et principalement aux PME/TPE ?
Nous avions dans un précédent article évoqué les pistes de travail engagées dans la perspective de l’avènement des nouveaux CCAG. Les projets de rédaction semblent à ce jour aboutis et devraient être promulgués en l’état le 1er avril 2021.
Précision importante : Une alerte de Bercy de cette fin de mois de Mars avertit les acheteurs et fournisseurs concernés qu’une période dite « transitoire » est envisagée, afin que chaque intervenant à la commande publique puisse faire sien les nouvelles clauses. Ainsi et jusqu’au 30 septembre prochain : les marchés pour lesquels des consultations seront engagées via un avis de publicité publié entre le 1er avril et le 30 septembre de cette année 2021, seront réputés faire toujours référence aux CCAG actuellement en vigueur (donc « version 2009 »). Mais il reste néanmoins « loisible » aux acheteurs, dans leurs documents contractuels (CCAP), de faire référence aux nouvelles versions des CCAG.
Un message gouvernemental pour le moins anecdotique…
Notre conseil :
- En attendant la publication effective des nouvelles versions des CCAG (quand ?…),
- Et jusqu’à la fin de la « période probatoire » annoncée (soit encore une fois, jusqu’au 30 septembre prochain),
Nous vous invitons à bien identifier la version des CCAG (actuelles ou nouvelles – voire « à venir ») dans les documents des consultations auxquelles vous souhaitez répondre. L’habitude des acheteurs publics est d’identifier la version applicable dans le CCAP qu’ils vous transmettent, génériquement à l’article 2 de ce document pouvant être intitulé « Pièces applicables au marché. »
En l’état actuel des choses et des travaux du ministère des finances, vous trouverez sur ce lien, les tableaux précisant les nouveautés apportées à chaque CCAG, article par article.
Le rééquilibrage des relations contractuelles était l’un des objectifs affichés de la réforme, afin de rendre la commande publique plus attractive pour les petites structures et de faciliter leur accès aux marchés publics.
Voici les principales mesures qui devraient voir le jour, dans le sens du rapprochement et d’une meilleure concertation et compréhension entre les parties.
1) Le principe d’une mise en demeure préalable obligatoire avant l’application de pénalités.
Une nouveauté significative du CCAG Travaux est l’obligation pour l’acheteur d’avertir le titulaire du marché préalablement à son intention d’appliquer les pénalités prévues au contrat et d’entrer en négociation pour tenir compte d’arguments contradictoires.
Il y a là une contradiction juridiquement parlant : déclenchées sur la base des dispositions du marché, les pénalités sont en principe d’application systématique, dès lors que vous n’auriez pas « honoré » vos obligations. Mais il s’agit bien d’une nouvelle mesure qui vous avantage : si le CCAG est rendu contractuel et qu’aucune dérogation n’ait été prévue sur ce point, vous aurez désormais et systématiquement la possibilité de justifier les raisons pour lesquelles vous n’auriez pu être en mesure de satisfaire à vos engagements – quitte à l’acheteur d’accepter ou non vos arguments.
Notre conseil : Prendre connaissance des dérogations apportées au CCAP, pour chaque rubrique dédiée et dans la liste récapitulative des dérogations apportées par l’acheteur.
2) Le plafonnement des pénalités à 10% du montant du marché.
Un autre apport favorable aux entreprises est la limitation des pénalités, toutes catégories concernées : retards dans les rendus ou échéances de chantier, absence aux rendez-vous fixés, etc.
La nouvelle version du CCAG fixe par défaut une marge à partir de laquelle vous ne pourriez plus subir de pénalités en cas de manquement à vos obligations contractuelles. Le seuil affiché de « 10% » est forcément dissuasif pour l’acheteur, qui peut craindre que passé ce taux, vous n’auriez plus de motivation pour faire perdurer votre engagement. Comme précisé auparavant, il y a de fortes probabilités que les acheteurs viennent à déroger à cette disposition.
Notre conseil : Prendre connaissance de la liste des dérogations propres à chaque consultation à laquelle vous souscrivez.
3) Avances
Le code de la commande publique impose à l’acheteur de proposer aux attributaires une avance de trésorerie d’un minimum de 5% du montant du marché, dans la mesure où ceux-ci sont conclus pour un montant supérieur à 50.000 € HT et dont le délai d’exécution est supérieur à 2 mois. Il s’agit d’une « proposition » ; il vous appartient d’accepter ou de refuser cette avance, en cochant la case dédiée dans l’Acte d’engagement.
Dès à présent, le taux de 5% est réhaussé à 20% s’agissant des contrats dévolus aux PME/TPE, afin de leur permettre de préserver une trésorerie suffisante et nécessaire pour aborder financièrement et sereinement leur engagement. Il s’agit là d’une mesure législative dont les acheteurs publics ne peuvent se soustraire.
4) La valorisation financière des ordres de services prescrivant des prestations supplémentaires ou modificatives.
Il ne sera plus possible aux acheteurs publics de vous enjoindre des « ordres de faire » dont l’objet excèderait le cahier des charges auquel vous avez souscrit.
Nous parlons bien ici de prestations qui seraient d’une nature différente de celles prévues initialement, ou qui engendreraient une modification significative de ces prestations. Ne sont pas concernés les modifications de volume à mettre en œuvre qui font l’objet d’un traitement spécifique (voir l’article 15.3 du CCAG Travaux, dont la rédaction reste inchangée).
Il n’en reste pas moins que l’interdiction faite aux acheteurs de vous prescrire des prestations supplémentaires ou modificatives est, tout comme le taux de 20% des avances (PME/TPE), d’ordre légal et ne peut faire l’objet d’une modification par l’acheteur.
Si toutes les mesures annoncées visent effectivement à rétablir un certain équilibre entre les parties, il n’en reste pas moins que les acheteurs restent en position de force, justifiée par la nécessité qui leur incombe d’assurer la continuité du service public.
À ce titre, selon l’article L.6 du code de commande publique, ils doivent exercer leur pouvoir de contrôle sur l’exécution du contrat, en conservant la possibilité de modifier unilatéralement le contrat si les circonstances le nécessitent et de résilier unilatéralement le contrat, moyennant tout de même droit à indemnisation du titulaire, dans les hypothèses évoquées ci-dessus.
Pour rappel, il est toujours loisible pour l’acheteur de déroger aux dispositions des CCAG qui ne sont pas issues d’une loi, par exemple plafonner le montant des pénalités ou bien augmenter le pourcentage de ce plafond dans une mesure qui leur semblerait adéquate.
Notre conseil : Avant même de commencer à élaborer votre offre, reportez-vous au CCAP du marché (Cahier des Clauses Administratives Particulières) et consultez les dérogations au CCAG apportées par l’acheteur. Celles-ci doivent à la fois apparaître dans le corps du document avec à chaque article concerné la mention : « Par dérogation à l’article X du CCAG » et être récapitulées dans un tableau. Sur ce dernier point, il sera désormais possible aux acheteurs de faire figurer ces dérogations soit au CCAP, soit dans « dans tout autre document qui en tient lieu » (à savoir, pour les marchés d’un faible montant, dans un document unique tenant lieu à la fois d’Acte d’engagement, de CCAP et de CCTP).
Pour aller plus loin …
- La refonte des CCAG enfin en phase de finalisation
- Les marchés publics comme levier de la relance économique
- Guide pratique de la commande publique pour remporter des marchés publics
- Listes des CCAG : CCAG MOE / CCAG TIC / CCAG Travaux / CCAG Prestations Intellectuelles (PI) / CCAG Marchés Publics Industriels / CCAG Fournitures Courantes et de Services